Archives par mot-clé : éducation

iTélé, janvier 2015

Alain Finkielkraut – « L’invité de 18h », iTélé – 18 Janvier 2015

  • “Depuis une semaine on dit le vrai, et je pense qu’à partir du moment où on fait face à la réalité, on peut commencer à résoudre les problèmes.”
  • “On fait quoi ? On est absolument intransigeant sur la question de la laïcité et on amorce une réflexion forte sur la liberté d’expression. La liberté d’expression ce n’est simplement le droit qu’a chacun de dire ce qu’il veut quand il veut. Ce n’est pas le droit de Dieudonné de dire “Faurisson a raison, la Shoah c’est du bidon”. On peut critiquer une croyance, mais on ne peut pas nier un fait. Un fait n’est pas une croyance. Il y a des gens qui en déduisent et qui disent : “Puisque la Shoah est sacrée aujourd’hui, c’est la même chose que Mahomet”. Non, les faits sont sacrés pour nous, et cela n’a rien à voir. Mais surtout , on essaye de faire entendre que la liberté est une blessure, parce que la liberté d’expression est un droit de l’homme, mais je ne suis pas seul à être un homme, il y  a d’autres hommes, et ces hommes disent des choses qui m’exaspèrent, qui me font souffrir . Il y a une douleur de la liberté, et c’est cela qu’il faut faire entendre. Puisque vous vivez dans un pays de démocratie, alors habituez-vous à entendre des choses qui vous font souffrir. (…) Il ne faut entretenir aucune confusion entre une opinion, une croyance, et le fait. Le fait, c’est autre chose, les vérités factuelles nous devons les protéger, parce que si chacun arrive avec ses propres faits, avec Internet, alors c’est le monde commun qui s’écroule et il n’y a même plus de liberté d’opinion possible. Il n’y a plus qu’un asile de fous, nous deviendrons tous des psychotiques. Et c’est cette différence-là qu’il faut arriver à faire entendre.”
  • “Il faut être très clair. La haine des musulmans doit être combattue et poursuivie. Mais “phobie” comme le remarquait Olivier Rollin dans un magnifique article du Monde, en Grec, cela ne veut pas dire “haine”, mais “peur”. La peur de l’Islam et la peur d’un certain Islam, c’est, dans la situation actuelle, la moindre des choses.”
  • “La France semble être entrée dans une ère post-culturelle et post-nationale. C’était une “patrie littéraire” disait Mona Ozouf, et il est clair que le surmoi littéraire n’exerce que peu d’autorité sur le discours de nos hommes politiques. C’est dommage, il faudrait donner l’exemple de la rectitude syntaxique, tout le monde devrait apprendre à se tenir droit.”
  • “La langue maternelle contribue à faire de nous ce que nous sommes, nous ne sommes pas cause de nous-mêmes, nous sommes endettés envers nos aïeux à travers la langue que nous parlons, c’est l’expression de notre finitude, et plus cette langue est variée, plus cette langue est belle, plus nous arrivons à nous entendre, ou en tous cas à accepter de ne pas nous entendre. Le plus terrifiant sur ce qui a été dit sur les quartiers, c’est cette confidence d’un professeur de Seine-Saint-Denis “Mes élèves, ils ont 500 mots”. Et quand ils n’ont que 500 mots, c’est très difficile de leur faire entendre raison, et c’est très difficile pour eux de ne pas basculer dans la violence.”

Suppression des notes à l’école – Causeur

L’esprit de l’escalier, 14 décembre 2014. Élisabeth Lévy et Alain Finkielkraut débattent chaque dimanche entre 12h et 12h30 sur les thèmes marquants de l’actualité sur les ondes de RCJ. Ce dimanche Alain Finkielkraut livre son regard sur la suppression des notes à l’école et sur la détérioration de la situation au Proche-Orient.

Entretien : culture, éducation, école

Alain Finkielkraut, philosophe, écrivain, fait part de sa vision de la culture, de l’éducation, de l’école, de l’égalité, de la démocratie.
Il a écrit notamment : « L’inculture pour tous est une conquête démocratique sur laquelle il sera très difficile de revenir ».

  • “Depuis que le livre de Bourdieu, Les héritiers, est paru dans les années soixante, un soupçon pèse sur les enfants de la bourgeoisie. Ils auraient une familiarité acquise dans leur milieu avec les beaux livres, avec la belle langue, et au nom du souci d’égalité, on voudrait en quelque sorte, les déposséder, empêcher qu’ils ne puissent jouir plus longtemps de ce privilège. Et donc, au lieu de vouloir élargir autant que faire se peut l’héritage, on est presque conduit à déshériter tout le monde. Je voyais l’autre jour un reportage à la télévision Française et j’y ai appris que des parents d’élèves militaient pour qu’il n’y ait plus de devoirs à la maison pour les élèves du primaire. Et, disaient-ils, certains sont avantagés car leurs parents sont là et les aident, d’autres ne le sont pas, et donc on va éviter ce déséquilibre en faisant en sorte qu’il n’y ait pas de devoirs pour personne. Et d’autre part, on a le sentiment aujourd’hui que le grand projet humaniste de passage de l’inculture à la culture se dissout dans le tout culturel. C’est un des autres effets de la démocratie dans laquelle nous vivons, la culture a de plus en plus de mal à se démarquer de ce qui n’est pas elle, cette démarcation, cette distinction, sont jugées discriminatoires, attentatoire à la variété des gouts   et même élitiste. Le mot “élitisme” a pris une tonalité, une nuance, une connotation péjorative depuis les années 60/70 du 20ème siècle et on en voit les effets dans l’enseignement aujourd’hui et dans l’idée dominante de la culture.”
  • “La démocratie est le seul système politique acceptable, mais précisément elle n’a d’application  qu’en politique. Hors de son domaine, l’égalité est synonyme de mort. La vérité n’est pas démocratique, ni l’intelligence, ni la beauté, ni l’amour. Une éducation vraiment démocratique est une éducation qui forme des hommes capables de défendre et de maintenir la démocratie en politique, mais dans son ordre, qui est celui de la culture, elle est implacablement aristocratique et élitiste.” ~ Simon Leys

“On lit pour avoir un coeur intelligent”

Philosophe, professeur à l’Ecole polytechnique, animateur de l’émission Répliques, sur France Culture, Alain Finkielkraut poursuit, de livre en livre, les avatars de la religion du progrès. Moderne et antimoderne à la fois, il défend la notion de transmission et de culture classique, contre le tout-culturel et le tout-multiculturel. Il publie ce mois-ci Un cœur intelligent, un voyage intime à travers les grandes œuvres de la littérature.

Le Spectacle du Monde – Propos recueillis par François Bousquet

Où vous situez-vous par rapport à la modernité ?

A l’intérieur, bien sûr, comme tout le monde. Mais chemin faisant, je me suis rendu compte que je ne pouvais plus adhérer aux slogans des années 1960 et 1970, du type « Cours camarade, le vieux monde est derrière toi ! », parce que je suis moi-même issu d’un vieux monde, le monde juif notamment, en voie de disparition. C’est sans doute la raison profonde de mon allergie, sinon à la modernité, du moins à l’amour éperdu de l’avenir et à la détestation du passé qui l’accompagne. Le mot d’ordre de Rimbaud – « Il faut être absolument moderne » – a perdu pour moi toute valeur. Je dirai plutôt, avec Albert Camus, que, si chaque génération se croit vouée à refaire le monde, la tâche de la nôtre est différente : elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. Continuer la lecture de “On lit pour avoir un coeur intelligent”

Finkielkraut – La fin du tout-est-permis

Faut-il sévir contre les élèves qui insultent leurs professeurs ? Interdire la prostitution et la pornographie à la télévision ? Le fait que ces questions soient à l’ordre du jour montre que le vent a tourné. Notre société semble vouloir revenir aux valeurs que Mai 68 avait cru pouvoir balayer d’un slogan : “Il est interdit d’interdire“. Assistons-nous à une réaction salutaire aux dérives de la morale ou vivons-nous un accès de fièvre réactionnaire ?

Psychologies – Propos recueillis par Hélène Mathieu et Jean-Louis Servan-Schreiber

Psychologies : Souvent les enseignants se sentent traqués par leurs élèves. Or, c’est à eux, en priorité, que l’on demande de transmettre les valeurs de travail et de civisme. Faut-il mettre en place un “délit d’outrage à enseignants” pour leur montrer qu’ils sont à nouveau respectés par le corps social, les familles et leurs élèves ?

Alain Finkielkraut : Il faut savoir que ceux qui, à l’école ou hors de l’école, se livrent à des actes dits publiquement “d’incivilité” ont parfaitement intériorisé le discours des causes : ils se défaussent savamment de leurs responsabilités, ils vous disent tout de suite qu’ils sont ainsi du fait de la précarité, de l’exclusion, du chômage. Ils sont les sociologues d’eux-mêmes. Ce qui arrive aux enseignants dans un certain nombre de classes, arrive aussi aux arbitres sur les terrains de football. Qu’est ce que vous allez faire si des adolescents se vengent sur l’arbitre, lorsqu’ils sont mécontents de la décision ? Vous allez traiter les causes ? Non, vous allez les punir pour ne pas avoir respecté les règles minimales de la vie en société. Je ne considère pas que cette punition de délit d’outrage à enseignants soit une solution, mais je pense qu’il est légitime, dans l’état actuel des choses, de porter secours à des enseignants exposés à des violences inouïes. Continuer la lecture de Finkielkraut – La fin du tout-est-permis

Finkielkraut – Peut-on sauver l’école ?

Conférence de Alain Finkielkraut : La culture en danger – Peut-on sauver l’école ? Paris, mars 2007

  • Vouloir rétablir l’école républicaine, un projet réactionnaire ?
  • La disparition de l’aïdos, facteur primordial de l’apprentissage.
  • Les écueils de la démocratisation. La culture soumise aux critères de la démocratie.
  • Un bilan pessimiste. Vers la destruction de la transcendance ?

www.akadem.org