Philosophe, professeur à l’Ecole polytechnique, animateur de l’émission Répliques, sur France Culture, Alain Finkielkraut poursuit, de livre en livre, les avatars de la religion du progrès. Moderne et antimoderne à la fois, il défend la notion de transmission et de culture classique, contre le tout-culturel et le tout-multiculturel. Il publie ce mois-ci Un cœur intelligent, un voyage intime à travers les grandes œuvres de la littérature.
Le Spectacle du Monde – Propos recueillis par François Bousquet
Où vous situez-vous par rapport à la modernité ?
A l’intérieur, bien sûr, comme tout le monde. Mais chemin faisant, je me suis rendu compte que je ne pouvais plus adhérer aux slogans des années 1960 et 1970, du type « Cours camarade, le vieux monde est derrière toi ! », parce que je suis moi-même issu d’un vieux monde, le monde juif notamment, en voie de disparition. C’est sans doute la raison profonde de mon allergie, sinon à la modernité, du moins à l’amour éperdu de l’avenir et à la détestation du passé qui l’accompagne. Le mot d’ordre de Rimbaud – « Il faut être absolument moderne » – a perdu pour moi toute valeur. Je dirai plutôt, avec Albert Camus, que, si chaque génération se croit vouée à refaire le monde, la tâche de la nôtre est différente : elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. Continuer la lecture de “On lit pour avoir un coeur intelligent”