L’écrivain et philosophe Alain Finkielkraut était l’invité du Grand Décryptage d’Olivier Galzi mercredi 30 décembre 2015, sur iTélé. Il a livré son analyse sur l’année 2015.
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Alain Finkielkraut – Philippe Bilger
Interview de Alain Finkielkraut par Philippe Bilger, le 8 décembre 2015. Attentats, terrorisme, civilisation, démocratie, islamisme, Onfray, éducation, école…
Finkielkraut au Grand Journal de Canal+
Alain Finkielkraut au Grand Journal (Maitena Biraben) sur Canal+ – Quelle France après la tragédie. “Nous avons perdu le droit à l’insouciance.” – 27 novembre 2015 (à partir de 13 minutes)
Finkielkraut face au terrorisme – C à vous
C à vous, France 5, 23 novembre 2015
Finkielkraut : «Nous vivons la fin de la fin de l’Histoire»
Alain Finkielkraut : «Nous vivons la fin de la fin de l’Histoire»
Le Figaro – Par Vincent Tremolet de Villers – Publié le 20 novembre 2015
INTERVIEW EXCLUSIVE – Une semaine après le carnage du 13 novembre, le philosophe exprime son accablement et son inquiétude devant la confirmation du retour violent d’une Histoire qui «n’est pas belle à voir». Il s’élève contre «l’ethnocentrisme de la mauvaise conscience de l’Occident».
Sa parole exigeante trouve un écho profond dans l’inconscient collectif. Comme il est écouté, comme il est lu, il est régulièrement qualifié de «populiste», en tête de la nuée des «oiseaux de malheurs». Ces intellectuels que certains voulaient faire taire quand il fallait, plus que jamais, les entendre. Dans La Seule Exactitude, son dernier ouvrage, Alain Finkielkraut intitule son chapitre consacré aux attentats de Copenhague (en février 2015) «Le tragique de répétition».
Une semaine après les attentats du 13 novembre, le philosophe espère qu’un sursaut national permettra à la France de vaincre l’État islamique en Irak et en Syrie et de reprendre les territoires qui, sur notre sol, sont déjà entrés en sécession culturelle.
LE FIGARO. – Dix mois après les attentats des 7, 8 et 9 janvier, Paris et sa banlieue ont été le théâtre de scènes de guerre. Cent trente personnes sont mortes. On compte des centaines de blessés. Le pays est traumatisé. Le mot «guerre» est sur toutes les lèvres. Quel sentiment prime chez vous: le chagrin, l’inquiétude ou la colère?
Alain FINKIELKRAUT. – Ce qui domine en moi, c’est l’accablement et même le désespoir. Comme le rappelait dans ces colonnes Jean-Pierre Le Goff, la disparition des grandes idéologies avait pu laisser croire à l’avènement d’un monde unifié et pacifié sous la triple modalité de l’économie de marché, d’Internet et des droits de l’homme. Cette illusion se dissipe brutalement : nous vivons la fin de la fin de l’Histoire. L’Histoire fait son retour dans un pays et sur un continent qui se croyaient définitivement hors d’atteinte. Et cette Histoire n’est pas belle à voir. Ce n’est pas la réalisation triomphale de l’esprit décrite par Hegel. Ce n’est pas le grand récit palpitant de l’émancipation universelle. Ce n’est pas le progrès de l’humanité jusqu’à son accomplissement final. Ce n’est pas, entre guerre d’Espagne et 2e DB, la geste héroïque rêvée par Régis Debray et tant d’autres. Bref, ce n’est pas Madame H. (1), c’est l’Histoire avec une grande hache, qui, au titre de «croisés», d’«impies» ou d’«idolâtres», peut nous faucher n’importe où, à tout moment, quels que soient notre âge, notre sexe, notre profession ou notre appartenance. Les spectateurs du Bataclan et les clients de La Bonne Bière, de La Belle Équipe, du Carillon et du Petit Cambodge ne portaient pas d’uniforme. Ils ne militaient pour aucune cause, ils ne remplissaient aucun mandat. Ils buvaient un coup, ils partageaient un repas, ils écoutaient un concert : ils ont pourtant été tués. Nous avons beau vivre en démocratie, le totalitarisme de l’Histoire est désormais notre lot. Totalitarisme, en effet, car, loin d’accoucher de la liberté, la violence qui se déchaîne est une calamité sans échappatoire, un fléau auquel personne n’est libre de se soustraire. Envolée comme promesse, l’Histoire ressurgit comme destin et nous dépouille pour longtemps de notre droit à l’insouciance. Pour résumer le bonheur parfait, les Juifs d’Europe centrale disaient : «Wie Gott in Frankreich.» Selon Saul Bellow, cette expression signifie que «Dieu serait parfaitement heureux en France parce qu’il ne serait pas dérangé par les prières, rites, bénédictions et demandes d’interprétation de délicates questions diététiques. Environné d’incroyants, Lui aussi pourrait se détendre le soir venu tout comme des milliers de Parisiens dans leur café préféré. Peu de choses sont plus agréables, plus civilisées qu’une terrasse tranquille au crépuscule.» Paris était «la ville sainte de la laïcité», mais les massacres du 13 novembre ont fait le malheur de Dieu. Continuer la lecture de Finkielkraut : «Nous vivons la fin de la fin de l’Histoire»
Des paroles et des actes – Après les attentats
Des Paroles et des Actes, “Après les attentats”, France 2, 22 janvier 2015
https://www.youtube.com/watch?v=n92g-qnC468&feature=youtu.be&t=1h3m2s
iTélé, janvier 2015
Alain Finkielkraut – « L’invité de 18h », iTélé – 18 Janvier 2015
- “Depuis une semaine on dit le vrai, et je pense qu’à partir du moment où on fait face à la réalité, on peut commencer à résoudre les problèmes.”
- “On fait quoi ? On est absolument intransigeant sur la question de la laïcité et on amorce une réflexion forte sur la liberté d’expression. La liberté d’expression ce n’est simplement le droit qu’a chacun de dire ce qu’il veut quand il veut. Ce n’est pas le droit de Dieudonné de dire “Faurisson a raison, la Shoah c’est du bidon”. On peut critiquer une croyance, mais on ne peut pas nier un fait. Un fait n’est pas une croyance. Il y a des gens qui en déduisent et qui disent : “Puisque la Shoah est sacrée aujourd’hui, c’est la même chose que Mahomet”. Non, les faits sont sacrés pour nous, et cela n’a rien à voir. Mais surtout , on essaye de faire entendre que la liberté est une blessure, parce que la liberté d’expression est un droit de l’homme, mais je ne suis pas seul à être un homme, il y a d’autres hommes, et ces hommes disent des choses qui m’exaspèrent, qui me font souffrir . Il y a une douleur de la liberté, et c’est cela qu’il faut faire entendre. Puisque vous vivez dans un pays de démocratie, alors habituez-vous à entendre des choses qui vous font souffrir. (…) Il ne faut entretenir aucune confusion entre une opinion, une croyance, et le fait. Le fait, c’est autre chose, les vérités factuelles nous devons les protéger, parce que si chacun arrive avec ses propres faits, avec Internet, alors c’est le monde commun qui s’écroule et il n’y a même plus de liberté d’opinion possible. Il n’y a plus qu’un asile de fous, nous deviendrons tous des psychotiques. Et c’est cette différence-là qu’il faut arriver à faire entendre.”
- “Il faut être très clair. La haine des musulmans doit être combattue et poursuivie. Mais “phobie” comme le remarquait Olivier Rollin dans un magnifique article du Monde, en Grec, cela ne veut pas dire “haine”, mais “peur”. La peur de l’Islam et la peur d’un certain Islam, c’est, dans la situation actuelle, la moindre des choses.”
- “La France semble être entrée dans une ère post-culturelle et post-nationale. C’était une “patrie littéraire” disait Mona Ozouf, et il est clair que le surmoi littéraire n’exerce que peu d’autorité sur le discours de nos hommes politiques. C’est dommage, il faudrait donner l’exemple de la rectitude syntaxique, tout le monde devrait apprendre à se tenir droit.”
- “La langue maternelle contribue à faire de nous ce que nous sommes, nous ne sommes pas cause de nous-mêmes, nous sommes endettés envers nos aïeux à travers la langue que nous parlons, c’est l’expression de notre finitude, et plus cette langue est variée, plus cette langue est belle, plus nous arrivons à nous entendre, ou en tous cas à accepter de ne pas nous entendre. Le plus terrifiant sur ce qui a été dit sur les quartiers, c’est cette confidence d’un professeur de Seine-Saint-Denis “Mes élèves, ils ont 500 mots”. Et quand ils n’ont que 500 mots, c’est très difficile de leur faire entendre raison, et c’est très difficile pour eux de ne pas basculer dans la violence.”